Reed Smith In-depth

Le 10 juillet 2023, après de nombreux débats et de multiples amendements destinés alternativement à étendre et à supprimer cette évolution, l’Assemblée nationale a voté, au sein du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la Justice, la reconnaissance de la confidentialité des avis et consultations juridiques internes des juristes d’entreprise. La version adoptée introduit un article 58-1 dans la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, créant un legal privilege à la française, désormais conféré aux juristes d’entreprise et permettant à l’entreprise de protéger certains documents des saisies en matière civile, commerciale ou administrative. Il s’agit d’une véritable révolution juridique, aboutissement de dizaines d’années de débats, soutenue par le gouvernement français – car la Chancellerie a porté ce texte poussé par l’Association Française des Juristes d’Entreprise (AFJE) ainsi que le Cercle Montesquieu – mettant en avant la perte de compétitivité des directions juridiques en France en raison de l’absence à ce jour de toute confidentialité des avis émanant des juristes d’entreprise.

Le texte

L’article 58-1 inséré dans la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 pose un principe général de protection in rem, attaché à l’acte et non à la personne. Ainsi, il prévoit que : « les consultations juridiques rédigées par un juriste d’entreprise, ou, à sa demande et sous son contrôle, par un membre de son équipe placé sous son autorité, au profit de son employeur sont confidentielles » (Art. 58-1 I).

Plusieurs précisions y sont apportées :

  • Tout d’abord, le champ d’application est clairement délimité. En effet, seules les matières civiles, commerciales ou administratives sont couvertes par le legal privilege, à l’exclusion des matières pénales et fiscales (Art. 58-1 III).
  • Ce principe de confidentialité est conditionné. Le texte énumère un ensemble de conditions cumulatives (Art. 58-1 III). Ainsi, afin d’être couvertes par la confidentialité, les consultations juridiques doivent être délivrées par (i) un juriste d’entreprise, ou un membre de son équipe placé sous son autorité, titulaire d’un master en droit ou d’un diplôme équivalent français ou étranger et (ii) qui justifie en plus du suivi de formations initiale et continue en déontologie.
  • Les consultations concernées devront maintenant porter la mention « confidentiel – consultation juridique juriste d’entreprise ».
  • Le fait d’apposer frauduleusement cette mention sur un document ne remplissant pas les conditions requises est puni jusqu’à trois ans d’emprisonnement et 45.000 euros d’amende (Art. 58-1 II).
  • Les consultations concernées doivent être précisément identifiées, tracées dans les dossiers de l’entreprise et destinées aux organes de direction, d’administration ou de surveillance (Art. 58-1 II).